Pour vous expliquer cet effet Pygmalion, je vais vous raconter une histoire personnelle qui a fortement marqué et influencé mes choix d’adulte.
Cette histoire se passe au collège. Bien qu’ayant été une brillante élève en primaire et en 6e, la 5e s’était si mal passée (notamment avec certains de mes professeurs) que j’avais adopté la croyance que j’étais nulle et que je n’arriverais à rien. Il n’y avait rien à faire. C’était la fatalité. C’est donc avec cet état mental que je commençais mon année de 4e.
Fort heureusement, j’ai eu la chance d’avoir en 4e un professeur principal, M. Huort, qui me permis de redevenir une élève excellente mais surtout, qui créa en moi une profonde transformation.
Voici comment commença notre première rencontre.
Nous venions juste de rentrer dans la salle. Il faisait encore chaud car c’était le premier jour de rentrée. Nous étions tous à la fois excités et inquiets car on nous avait prévenu que cette année allait être très difficile…
J’avais, pour ma part, trouvé ma place à côté d’une fenêtre et d’un radiateur. « Parfait, me disais-je, le temps passerait plus agréablement. » Pour moi cette année était déjà perdue. J’allais à coup sûr tout échouer. J’étais nulle. Il me restait juste à attendre que l’année passe rapidement bien blottie à côté du radiateur… Le professeur initia le cours par une question atypique qui me sortit de mon dialogue intérieur :
« Qui pense être le pire élève de mathématiques dans cette classe ? »
Aussitôt, je levai la main. Monsieur H. se tourna vers moi et d’un ton solennel m’annonça ces mots qui resteront à jamais gravés en moi :
« Toi, comment tu t’appelles ?
– Estelle.
– Bien. Tu détestes les maths ?
– Oh oui !
– Alors, je te promets qu’à la fin de l’année tu seras la meilleure en algèbre et que l’année prochaine, car je vous aurai l’année prochaine aussi, tu seras la meilleure en algèbre et en géométrie ! »
Ceci me fit bien rire les premiers jours. On prenait ce professeur pour un illuminé. Comment pouvait-il faire de moi une élève talentueuse alors que j’étais une cancre rebelle complètement idiote ?
Pourtant, ce professeur n’en démordit pas. J’en étais capable et le temps allait le démontrer.
Jour après jour, ses attentes restaient les mêmes : j’étais une élève talentueuse. Il me voyait comme la meilleure et me donnait encore plus d’exercices que les autres pour satisfaire mes besoins d’apprendre. Ce n’était qu’une question de temps avant que mon potentiel fasse jour.
Et ce qui devait arriver arriva. Après des heures et des heures de travail acharné, j’étais devenue la première en algèbre (meilleure même que l’intello de la classe) !
Il avait gagné son pari. Il l’avait tout simplement gagné car il n’avait jamais douté. Il avait toujours projeté sur moi cette vision de première de la classe.
Et l’année suivante, vous l’aurez deviné, j’étais la meilleure en algèbre et géométrie ! Pari gagné pour ce Grand Homme !
Grâce à lui, en grande partie, j’ai compris que je pouvais tout réussir, que tout le monde pouvait atteindre ses rêves à la condition d’y croire fermement.
Ce n’est que bien plus tard, en faculté de psychologie, que je pris conscience que cette expérience était une parfaite illustration de l’effet Pygmalion étudié par Rosenthal et Jacobson en 1963 à l’école « Oak School ».